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CYRANETTE

— Ni fièvre, ni délire, non. Et combien de fois devrai-je vous répéter que je ne suis plus une poupée ? La poupée, déjà, est morte, darling. Il a suffi d’un choc et elle s’est brisée en morceaux, ne laissant échapper que du son. Beaucoup de bruit pour rien.

Elle sourit vaguement de son calembour, qui a d’ailleurs échappé à Robert, et, avec ce sérieux, cette gravité sereine qu’il ne lui connaissait pas depuis leur mariage :

— Le médecin m’a condamnée, Robert. J’ai lu son verdict dans vos yeux. Mais vous n’y êtes pour rien encore une fois, et il est juste que je m’en aille.

— Ma chère petite, je vous en supplie, ne parlez pas ainsi. C’est blasphémer.

— Oh ! non. C’est reconnaître mon erreur, une erreur qui, M. le curé m’en avait prévenue, portait son châtiment en soi. Je ne devais pas m’interposer entre vous et celle que vous aimiez, Robert. Je le devais d’autant moins qu’elle vous aimait aussi et qu’en vous donnant le change je la livrais au désespoir.

— Je ne comprends pas, je ne comprends pas, assure le jeune homme, en toute sincérité.

— Attendez, vous allez comprendre, mon ami. Si je ne vous arrache pas plus vite à vos illusions, c’est qu’il m’est très pénible de le faire… Qui aimiez-vous avant notre mariage ?

— Mais vous assurément !

— Non, Robert, pas moi. Celle qui vous écrivait sous mon nom et dont les qualités s’harmonisaient si bien avec les vôtres. Et celle-là, vous la connaissez, mon pauvre ami. C’est la meilleure, la plus dévouée des sœurs.

Mr. Wellstone blêmit. Pour lui, qui cherchait la vérité depuis six mois, quelle brusque clarté, quelle révélation !

— Denise ?

— Denise ! affirme véhémentement Liette… Oh ! croyez-moi, Robert, je n’ai péché que par