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CYRANETTE

était de vous faire la surprise de son arrivée, qui est imminente.

— Il vous a répondu ?

— Oui, mon enfant.

— Et Nise vient aussi ?

— Oui, mon enfant. Je les attends aujourd’hui même.

— Ah ! mon Dieu, merci ! dit Liette avec ferveur.

Sa jolie petite tête pâle et maigre, où les yeux, immenses, cernés de bistre, scintillent comme des étoiles derrière l’embu de leurs larmes, se retourne vers Robert qui, à bout de vaillance, les dents plantées dans les lèvres, ferme les paupières pour retenir l’eau qui les gonfle.

— Ne pleurez pas, mon ami. Dieu est juste, Dieu est bon. Et puisque sa sagesse nous éclaire, nous devons l’en remercier…

En bas, dans le « parlour », les domestiques tiennent conciliabule.

— Il va être l’heure d’aller au train, dit John, le chauffeur. Mais je me demande comment je vais identifier la famille de madame.

— Ce n’est pourtant pas malin, répond Fred, le palefrenier. Monsieur vous a dit à l’instant, devant Dora et moi, qu’un prêtre français accompagne monsieur son beau-père, madame sa belle-mère et mademoiselle sa belle-sœur. Une soutane en gare de Sidmouth, il n’y a pas moyen de s’y tromper, mon vieux.

— Mais, dit John à Mary, croyez-vous que Madame soit si bas ?

— Hélas ! soupire la maid, dont la froideur, la raideur ne sont après tout qu’en surface. Phtisie aiguë, on a beau faire, John, ça ne pardonne pas…

En haut, dans la grande chambre de la malade. Robert, le visage caché parmi la chevelure éparse de Liette, pleure silencieusement. Ah ! ces larmes d’homme, qui pourrait dire de quoi au juste elles sont faites, de quelle tendresse et de quelle compassion pour celle qui se meurt et qui, si elle ne