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IV

Il n’y a rien d’inégal, dans leur durée mathématiquement égale, comme les heures et les journées, suivant qu’elles sont heureuses ou malheureuses, vouées au plaisir ou au chagrin, au travail ou au désœuvrement, à la tranquillité d’esprit ou à l’attente fébrile d’un événement.

Denise et Juliette, pour des motifs différents, en font le constat. L’une dans l’expectative d’une nouvelle lettre de Mr. Robert Wellstone, l’autre, dans la joyeuse impatience de son fameux concert de charité, trouvent le temps si long qu’il leur paraît littéralement interminable.

Enfin, pour sa part, Liette va toucher la récompense de ses peines. La fête effectivement tient ses promesses et lui procure un franc succès, tant comme chanteuse que comme quêteuse.

Le théâtre regorge de monde quand vient son tour de paraître en scène. Aux fauteuils de balcon, M. et Mme Daliot, très émus, osent à peine regarder le rideau qui se lève. Quant à Denise, rouge et pâle tour à tour, le sang lui monte à la figure ou se glace dans ses veines.

À la place de Liette elle mourrait de peur. Jamais elle n’aurait le courage d’affronter tous ces regards !

Pensez qu’il y a là M. le préfet et Madame, M. le général de division commandant la place et Madame, toutes les notabilités chambériennes et tous les officiers de la garnison, sans compter la colonie étrangère, des Italiens, des Belges, des Anglais ! Et tout ce monde tient les yeux fixés sur Liette, légèrement inquiète au fond, mais qui paie d’assurance et ne cède pas au fâcheux « trac des planches ».

Jolie à ravir dans sa robe de mousseline, le