Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/37

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teint frais comme une rose sans le secours du crayon, elle sourit de toutes ses dents éblouissantes, quand, d’une voix claire, bien timbrée, musicale — peut-être un tantinet tremblante pour débuter, mais si peu ! — elle chante avec accompagnement de piano :

J’ai pour amoureux dans la ligne
Un aimable petit soldat
J’puis vous assurer qu’il est digne
D’faire battre un cœur délicat.

La salle, charmée, conquise, écoute en silence, puis éclate en bravos. Les applaudissements redoublent quand Liette s’incline avec grâce et, si M. le curé était là, il serait le premier à convenir que cette jolie chanson, qu’à part soi il jugeait peut-être un peu leste, ainsi chantée ingénument et artistement, valait bien d’être admise au programme. Par le fait, elle emporte les honneurs de la journée. C’est de l’enthousiasme, de la frénésie, de l’emballement. On bat des mains à tout rompre ; on crie « bis ! » à tue-tête ; bref, on fait une telle ovation à Liette qu’il lui faut reprendre le dernier couplet et le refrain.

— Un triomphe ! se réjouit-elle en quittant la scène.

Oui, et ce triomphe, après la fête, se traduit encore par une pluie de compliments et de félicitations qui font se rengorger l’heureuse interprète. Celle-ci les accepte sans fausse modestie. Elle est aux anges.

— Vraiment, vous avez été merveilleuse, ma petite, lui dit Mme Noblet qui a chanté aussi…

Radieuse, Liette rentre au bras de son père.

— Hein, papa, lui dit-elle fièrement. J’en ai eu, du succès ! Au moins autant que Mme Noblet, n’est-ce pas ?

— Au moins, convient sans peine M. Daliot.

— Elle chante pourtant bien, Mme Noblet ! murmure Liette. Même, on ne le dirait pas à la