contredit pas qui lit par-dessus l’épaule de sa sœur :
« Votre gentil message m’a très touché et bien remonté. Car je dois vous dire que toute la beauté du ciel piémontais et du pays qui m’environne ne m’empêche pas de faire du spleen depuis que je suis sur le front italien. La guerre n’aurait-elle plus d’attrait pour moi ? Naguère, je lui trouvais une sorte de charme qui, joint à l’idée que j’ai de notre cause, m’aidait à en accepter philosophiquement les lenteurs et les ennuis. Voici maintenant que je la trouve fade et que ma pensée se retourne trop souvent vers tout ce que j’ai laissé de bon et de cher derrière moi. Néanmoins, et en dépit de toutes les vicissitudes de la campagne, j’en reviendrais vite à mes beaux enthousiasmes du début si une sympathie mutuelle et durable pouvait découler de l’inoubliable rencontre qu’il m’a été donné de faire, un soir, sur le quai d’une gare, dans une ville étrangère que je ne connais encore que de nom.
« Puissiez-vous donc continuer à m’écrire de temps en temps, chère petite marraine ! Ne vous désintéressez pas du triste Robinson que je suis forcément ici, perdu avec mes pièces et quelques pauvres tommies, parmi des glaces et des neiges assurément admirables, mais bien insipides en somme dans leur immuable splendeur… »
Denise, palpitante, dit en s’efforçant de mesurer sa voix :
— Cette fois, j’espère que tu ne te plaindras pas, Liette, et que tu ne le feras plus tirer l’oreille pour donner la réplique à ton correspondant.
Liette veut bien convenir que cette lettre lui plaît assez. Il y a progrès sur la carte, c’est incontestable, encore que le ton n’en soit pas très gai.
— Mais, ajoute-t-elle en riant, le moyen de me