Page:Shaftesbury - Principes de la philosophie morale, tad Diderot, 1745.djvu/323

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verainement malheureux. Ce qui me restait à prouver.

    Britannicus son frere, Agrippine sa mere, sa femme Otavie, sa femme Poppée, Antonia sa belle-sœur, le consul Vettinus, Rufus-Crispinus son beau-fils, & ses instituteurs Seneque, & Burrhus ; ajoûtez à ces assassinats, une multitude d’autres crimes de toute espece ; voilà sa vie. Aussi n’y rencontre-t’on pas un moment de bonheur ; on le voit dans d’éternelles horreurs : ses transes vont quelquefois jusqu’à l’aliénation d’esprit ; alors il apperçoit le Ténare entr’ouvert, il se croit poursuivi des furies ; il ne sçait où, ni comment échapper à leurs flambeaux vengeurs ; & routes ces fêtes monstrueusement somptueuses qu’il ordonne, sont moins des amusemens qu’il se procure, que des distractions qu’il cherche. Seneque chargé par état de braver la mort, en présentant à son Pupile les remontrances de la Vertu, le sage Seneque plus attentif à entasser des richesses qu’à remplir ce périlleux devoir, se contente de faire diversion à la cruauté du Tyran en favorisant sa luxure : il souscrit par un honteux silence à la mort de quelques braves citoyens qu’il auroit dû deffendre : lui-même, présageant sa chûte prochaine par celle de ses amis, moins intrépide avec tout son stoïcisme que l’Epicurien Pétrone, ennuyé d’échapper au poison en vivant des fruits de son jardin & de l’eau d’un ruisseau, va misérablement proposer l’échange de ses richesses pour une vie qu’il n’eût pas été fâché de conserver & qu’il ne put racheter