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ACTE V, SCÈNE III.

thésée.

Oh ! sœur aimée, — il parle d’un des plus braves chevaliers qui aient jamais — éperonné un noble destrier ; assurément les dieux — ont voulu qu’il mourût célibataire, de peur que sa race — ne parut au monde trop divine. Sa conduite — m’a tellement charmé qu’il m’a semblé qu’Arcite n’était — auprès de lui qu’une masse de plomb. Si je puis justement faire — de toutes ses qualités un si complet éloge, votre Arcite — n’y perd rien ; car l’homme qui s’est montré si grand — a pourtant trouvé son supérieur. J’ai entendu — deux Philomèles émules rebattre les oreilles de la nuit — de leurs chants rivaux ; tantôt l’une dominait, — tantôt l’autre ; puis la première reprenait le dessus — pour être à son tour dépassée, en sorte que l’ouïe — ne pouvait être juge entre les deux. Longtemps — il en a été de même entre ces cousins, et c’est à grand’peine qu’enfin les cieux — ont fait de l’un d’eux le vainqueur.

À Arcite.

Portez avec joie — la couronne que vous avez gagnée. Quant aux vaincus, — appliquez-leur immédiatement notre sentence, car je sais — que la vie leur est à charge ; que l’arrêt soit exécuté ici ; — cette scène n’est pas faite pour nos regards. Partons donc, — joyeux, avec quelque tristesse ! Prenez à votre bras votre conquête, — je sais que vous ne voudriez pas la perdre… Hippolyte, — je vois vos yeux concevoir une larme, — dont ils vont être délivrés.

émilie.

Est-ce là un triomphe ? — Ô puissances célestes, où est votre miséricorde ? — Si vos volontés n’avaient pas décidé qu’il en doit être ainsi — et ne me commandaient pas de vivre pour consoler cet ami esseulé, — ce misérable prince qui vient de rejeter — loin de lui une vie plus précieuse que toutes les femmes, — je devrais, et je voudrais mourir.