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INTRODUCTION.

Commençons par interroger les critiques qui, avant nous, ont étudié ce drame. En Allemagne, Schlegel ose le premier déclarer qu’à ses yeux la Tragédie dans l’Yorkshire est une des meilleures œuvres de Shakespeare. Ulrici la regarde comme une pièce de circonstance, qui diffère par le caractère de toutes les autres productions de notre poëte, mais dans laquelle tout lecteur impartial reconnaîtra la main de Shakespeare. Réveillée par les cris d’admiration partis d’outre-Rhin, l’Angleterre ouvre enfin les yeux pour considérer cette œuvre qu’elle a si longtemps méconnue. Hazlitt avoue qu’en vérité l’effet en est saisissant, the effect is indeed overpowering, mais qu’elle est dans la manière de Heywood bien plus que dans celle de Shakespeare. M. Knight n’en conteste pas « le mérite sterling, » il y voit « un remarquable spécimen d’une espèce de drame fort rare à l’époque shakespearienne ; » mais il doute fort que Shakespeare eût voulu écrire une pareille pièce, tout en étant bien sûr que Heywood eût pu l’écrire. La Revue rétrospective confesse qu’après tout il se peut fort bien que Shakespeare ait écrit la Tragédie dans l’Yorkshire : car « à supposer qu’il l’eût écrite, il ne pouvait guère faire mieux que ce qui a été fait. » Enfin M. Collier, moins timide que tous ses compatriotes, se rallie simplement à l’opinion de Schlegel, et proclame que sans aucun doute Shakespeare est l’auteur de la Tragédie dans l’Yorkshire.

J’ai résumé les opinions. Voyons maintenant l’œuvre.

En l’année 1604 toute l’Angleterre fut émue par un événement terrible qui est ainsi raconté dans la Chronique de Stowe : « Walter Calverly, de Calverly, en Yorkshire, esquire, a assassiné deux de ses enfants, poignardé sa femme en pleine poitrine avec la pleine intention de la tuer, et immédiatement s’est échappé de sa maison pour tuer son plus jeune fils qui était en nourrice, mais il en a été empêché. Jugé pour ce crime à York, il est resté