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LES DEUX NOBLES PARENTS.

rité, avec tant de patience — par une main si profondément adroite, — qu’il peut s’user, jamais se défaire. Je crois — que Thésée, partageant en deux sa conscience, et rendant — justice à l’un et à l’autre côté, ne saurait décider — lequel il aime mieux, Pirithoüs ou lui-même.

émilie.

Sans nul doute — il a une affection supérieure encore, et la raison ne saurait — nier que c’est vous. J’ai connu — un temps où je possédais une compagne de jeu ; — vous étiez à la guerre quand elle a enrichi la tombe — trop orgueilleuse de lui faire un lit, et pris congé de la lune — qui pâlit à cet adieu ; chacune de nous — comptait alors onze ans.

hippolyte.

C’était Flavina.

émilie.

Oui. — Vous parlez de l’amitié de Pirithoüs et de Thésée. — La leur a plus de fond, elle est tempérée par plus de maturité, — elle est resserrée par un jugement plus fort, et l’on peut dire que le besoin — qu’ils ont l’un de l’autre arrose — les racines de leur affection ; mais moi — et celle dont je parle en soupirant, nous étions d’innocentes créatures ; — nous aimions, et, pareilles aux éléments — qui, sans savoir comment ni pourquoi, obtiennent — des effets rares par leur combinaison, nos âmes — étaient associées l’une à l’autre ; ce qu’elle aimait, — était approuvé par moi ; ce qu’elle n’aimait pas, condamné, — sans forme de procès. Si je cueillais une fleur, — si je la mettais entre mes seins qui commençaient alors, oh ! à peine, — à gonfler leurs boutons naissants, il lui tardait — d’en avoir une toute pareille pour la déposer — dans un même berceau innocent où, comme le phénix, — elle expirait dans un parfum ! Dans mes cheveux pas un colifichet — qui ne fût pour elle un modèle. Les fantaisies toujours charmantes — de sa toi-