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INTRODUCTION.

Je n’insisterai pas sur le ton extrêmement choquant de cette épître où les éditeurs de Shakespeare étalent si complaisamment le cynisme de leur cupidité mercantile. Je me bornerai à relever ici et à discuter certaines affirmations qui importent l’histoire littéraire. Héminge et Condell insinuent que ce sont les manuscrits mêmes du maître qui ont servi à l’impression de leur édition, — en donnant ce curieux détail que les papiers de Shakespeare, (qui pourtant a retouché presque toutes ses pièces), ne contenaient pas une seule rature ; ils traitent d’escrocs et de filous les libraires qui ont publié, avant eux, les œuvres du poëte, et ils prétendent qúe toutes les éditions parues avant l’édition in-folio, c’est-à-dire toutes les éditions in-quarto, ont été imprimées « sur diverses copies volées et subreptices, mutilées et défigurées par les fraudes et les larcins des imposteurs injurieux qui les ont mises au jour ; » enfin ils déclarent que l’édition publiée par eux est la seule qui donne les ouvrages de l’auteur « dans l’intégrité absolue où il les a conçus. » Ces allégations sont graves ; voyons si elles sont justifiées.

Je commence par reconnaître qu’effectivement l’in-folio de 1623 nous révèle « dans leur intégrité absolue » quatre pièces, Henry IV, les Joyeuses épouses de Windsor, la seconde et la troisième partie de Henry VI, dont les in-quartos de 1600, de 1602 et de 1619 ne publiaient que les esquisses.

Je conviens également que l’in-folio de 1623 nous offre un Richard III plus complet que l’in-quarto de 1597, un Othello plus complet que l’in-quarto de 1622. Mais déjà, pour Othello, je suis obligé de faire des réserves ; je m’aperçois que, si le texte de 1623 est plus complet, il est beaucoup moins correct que le texte de 1622. En maints endroits, celui-ci rend à la pensée originale la justesse et la précision que lui retire celui-là. La version de 1623