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LES DEUX NOBLES PARENTS.

palémon.

Non, vous ne l’aimerez pas du tout.

arcite.

— Pas du tout ! qui donc m’en empêchera ?

palémon.

— Moi qui l’ai vue le premier ! moi qui ai pris possession, — le premier, par un regard, de toutes les beautés — révélées en elle à l’humanité ! Si tu l’aimes, — ou si tu nourris l’espoir de ruiner mes vœux, — tu es un traître, Arcite, et un compagnon — aussi faux que tes titres sur eux ! Amitié, parenté, — tous les liens qui existent entre nous, je les renie, — si tu penses un instant à elle !

arcite.

Oui, je l’aime. — Et, quand la vie de toute ma race en dépendrait, — je ne puis faire autrement ; je l’aime de toute mon âme ; — si cela vous éloigne, adieu, Palémon ! — Je répète que je l’aime ; et, en l’aimant, je prétends — être un amant aussi digne et aussi libre, — et avoir autant de droits sur sa beauté, — que n’importe quel Palémon, que n’importe quel vivant — qui soit fils d’un homme.

palémon.

T’ai-je appelé ami ?

arcite.

— Oui, et vous m’avez trouvé tel. Pourquoi êtes-vous ainsi ému ? — Laissez-moi raisonner froidement avec vous. Ne suis-je pas — une partie de votre sang, une partie de votre âme ? Vous m’avez dit — que j’étais Palémon, et que vous étiez Arcite.

palémon.

Oui.

arcite.

— Ne suis-je pas sujet à toutes les affections, — aux joies, aux douleurs, aux colères, aux alarmes que peut éprouver mon ami ?