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LES APOCRYPHES.

verses, puis-je affirmer avec une égale assurance que Périclès n’a pas été composé primitivement par Shakespeare ? Évidemment non. Je conviens que la composition de Périclès est tout à fait contraire au faire habituel de Shakespeare, mais cette anomalie s’explique dès que nous considérons Périclès comme une des premières tentatives du poète. Or, sur ce point litigieux, il est sage de s’en rapporter à la tradition, et je ne vois nulle raison de révoquer en doute l’assertion de Dryden, déclarant que la muse de Shakespeare commença par enfanter Périclès.

Une seule chose reste à expliquer, comment se fait-il qu’un des plus anciens ouvrages de Shakespeare ait pu être représenté par les comédiens du roi, en 1608, comme une pièce nouvelle ? M. Knight répond à cette objection en l’éludant. Il ne tient aucun compte de tous ces documents qui concordent à fixer à l’année 1608 la première représentation de Périclès, — déclaration placée en tête de l’in-quarto de 1609, — inscription sur le registre du Stationers’Hall, à la date du 2 mai 1608, — publication par Butter, dans l’année 1609, d’un roman calqué sur la pièce récemment représentée, etc., et il maintient que Périclês, primitivement joué au commencement de la carrière du poëte, a été retouché par Shakespeare et remis sur la scène vers 1608. Cette prétendue première représentation, annoncée avec tant de fracas, ne serait qu’une reprise. Voilà l’hypothèse de M. Knight. J’avoue qu’elle ne me paraît pas probable. Elle a contre elle toutes les présomptions, et pas une pour elle. À tous les documents parfaitement authentiques qui l’infirment, elle n’a pas un témoignage à objecter. En vain chercherait-on dans l’histoire littéraire un seul indice dont elle pût s’autoriser. Elle est condamnée par le silence même des faits. Croyez-vous, par exemple, que, si Périclès avait été représenté à la fin du seizième siècle, Meres aurait omis de mentionner cette pièce si célèbre et si populaire dans