Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/29

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INTRODUCTION.

combinaison d’excellences, » En Allemagne, la critique, moins timorée qu’en Angleterre, n’hésite pas à proclamer l’opinion que lui impose en quelque sorte l’évidence, Tieck traduit Édouard III comme étant l’œuvre de Shakespeare, et l’un des esprits les plus fins d’outre-Rhin, M. Ulrici s’écrie malicieusement : « Si cette pièce n’est pas de Shakespeare, comme le maintiennent la plupart des critiques anglais, alors c’est vraiment une honte pour eux de n’avoir rien fait pour sauver de l’oubli ce second Shakespeare, ce frère jumeau de leur grand poëte. »

La critique française, à qui j’ai l’honneur de révéler ici Édouard III, ratifiera-t-elle le verdict affirmatif de l’Allemagne ou se retranchera-t-elle derrière la formule dubitative de l’Angleterre ? Je ne sais. Qu’il soit permis toutefois à un familier de Shakespeare, — au traducteur qui depuis dix ans vit dans l’intimité de ce génie, — à l’interprète qui termine aujourd’hui sa tâche, sans jamais s’être aidé d’une collaboration, et qui par conséquent a eu, seul en France, cette benne fortune de rendre dans sa langue natale chacun des mots qu’a pensés et écrits l’auteur d’Hamlet, — qu’il soit permis à ce consciencieux et modeste travailleur d’intervenir dans ce délicat litige et de soumettre à la haute critique de France les conclusions de la plus patiente étude.

Jetons d’abord un rapide coup d’œil sur l’œuvre.

Le drame commence, comme Henry V, par une délibération à laquelle préside le roi d’Angleterre. Robert d’Artois, un émigré français, qu’Édouard III vient de créer comte de Richmond, invite son nouveau maître à revendiquer la couronne de France dont Édouard est le légitime héritier, comme fils de la princesse Isabelle, fille de Philippe le Bel. Cette solennelle conférence est interrompue, comme dans Henry V, par l’arrivée d’un ambassadeur de France. Le duc de Lorraine vient sommer Édouard III de