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INTRODUCTION.

Par exemple, de qui est ce vers ?

Lilies, that fester, smell far worse than weeds.
Les lis qui pourrissent sont plus fétides que les ronces.

Il est de Shakespeare, car il termine le couplet final du sonnet lxxxiii :

For sweetest things turn sourest by their deeds ;
Lilies, that fester, smell far worse than weeds.

Car les plus douces choses s’aigrissent par l’usage ;
Les lis qui pourrissent sont plus fétides que les ronces.

Mais il est aussi de l’auteur d’Édouard III, car il se retrouve littéralement dans l’apostrophe de Warwick à la comtesse de Salisbury :

Dark night seems darker by the lightning flash ;
Lilies, that fester, smell far worse than weeds.

La nuit sombre est assombrie par le jet de l’éclair ;
Les lis qui pourrissent sont plus fétides que les ronces.

Quel est celui des deux poètes qui ici a volé l’autre ? Est-ce l’auteur des Sonnets ? Est-ce le chantre d’Èdouard III ? Que les experts décident. Quant à moi, je suis convaincu que c’est Shakespeare qui, en répétant ce vers, a plagié… Shakespeare.

Pour Shakespeare, l’âme humaine n’avait pas de mystères. Il connaissait à fond les instincts contradictoires de notre nature. Il devinait toutes les vertus et tous les vices dont elle est à la fois capable. Dans le plus malhonnête homme, il discernait le germe latent du bien, comme dans le plus honnête il distinguait les ferments obscurs du mal. « Je suis moi-même passablement vertueux, et pourtant je pourrais m’accuser de telles choses que mieux vaudrait que ma mère ne m’eût pas enfanté ; d’un signe je puis évoquer plus de méfaits que je n’ai de pensées pour les méditer,