Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
420
APPENDICE.

Près de Cyrène, ou me donne la mort,
Car sans cela ne puis avoir confort.

Et finissant ceci, commença en larmoyant prier Apollonie de se réjouir, et n’offenser point les Dieux, en se défiant ainsi de leur grâce, faveur et assistance, que s’il avait perdu sa femme, il en aurait des nouvelles, et si sa fille était égarée, les Dieux étaient puissants pour lui restituer ; et voyant qu’il prenait plaisir en ses paroles, et sollicitée, sans y penser, de la même nature, qui l’inclinait à aimer cet homme plus que tout autre, elle approche de lui, et le tirant à elle s’efforça de le faire venir vers Athenagore. Apollonie dépité de cette hardiesse et estimant qu’elle fût quelque courtisane, la poussa du pied, de sorte qu’elle se blessa la jambe jusqu’à effusion du sang. C’est ici que Tharsie blâme son père inconnu de sa cruauté, qu’elle lui remontre qu’elle n’est ni déshonnête, ni lascive, ains la plus misérable fille de la terre, comme celle qui dès son enfance n’avait rien humé que le hanap amer de toute douleur et angoisse, ayant perdu sa mère en mer, et se voyant orpheline de père, délaissée avec grandes richesses à des méchants qui l’avaient destinée à la mort et enfin ayant été vendue et livrée à un détestable maquignon de la pudicité des dames. Puis finit son discours par cette prière et supplication : — Ayez compassion, ô Dieux immortels, de cette pauvre fille, et faites qu’avant de mourir je voie mon seigneur et père prince de Tyr, lequel, pour faire le deuil de ma mère, me donna en garde à Stragulion et Dionysiade, les cruels et traîtres bourreaux de la misérable Tharsie, qui gémit aux pieds de celui qui n’a nulle pitié d’une princesse telle que je suis.

Quand Apollonie ouït ceci, et remarqué tous les signes et circonstances mises en avant par cette fille, prenant égard à son âge qui correspondait et amenait au fait, et voyant l’extrême beauté de sa fille qui lui rappelait la figure de son épouse, pour mieux s’en assurer il lui dit :