Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/16

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▼j NOTICE SUR SHAKSPEARE. vire vers les régions sublimes où l’attendaient Andromaque, Phèdre et Athalie. Entre les trente-cinq drames qu’a produits Shakspeare, il en est sans contredit qui sont inférieurs aux autres ; mais cette infériorité n’est pas une raison suffisante pour établir l’antériorité de leur date » " le plus beau talent ne saurait toujours être égal ; le choix du sujet influe beaucoup sur les qualités de l'œuvre. Et puis la vie a ses vicissitudes de bien et de mal être intellectuel ; la santé de l'intelligence n’est pas plus uniforme que celle du corps. Ce qui confond d’étonnement, c’est que sur ces trente-cinq drames, il en est vingt-huit d’une perfection d’exécution si achevée, qu’il est impossible de leur assigner un rang dans l’échelle du mérite ; tous, à des titres divers » réclament et obtiennent une part égale dans notre admiration et nos prédilections. Sur les sept autres, il en est trois, Périclès, et la deuxième et troisième partie de Henri VI, qui sont évidemment d’une autre main que celle de Shakspeare ; il en a seulement refait les principaux passages, remanié le style en entier, et les a appropriés à la scène. Parmi les quatre autres, il en est deux qui portent évidemment un cachet de jeunesse et de noviciat : ce sont les Deux gentilshommes de Vérone, et Peines d’amour perdues ; et cependant ce sont deux drames délicieux, pleins d’une grâce charmante, d’une verve intarissable ; ils sont loin de déparer leurs rivaux, et leur absence serait une perte irréparable. Deux autres enfin ne doivent leur infériorité qu’au choix du sujet ; c’est le Roi Jean ; c’est Troïle et Cressida. Dans le premier de ces drames, le poëte avait à lutter contre un obstacle insurmontable, le caractère odieux et repoussant d’un monarque cruel et imbécile. L’autre est par le fait, et devait être, sans doute, une parodie de l’épopée homérique. Mais avec quelle vigueur de talent cette parodie est exécutée ! Comme les héros de l’Iliade, dépouillés de leur majesté épique, sont individualisés, et avec quelle rare supériorité de burin l’auteur les a gravés dans notre mémoire ! Quant au drame de Titus Andronicus, que nous n’avons point admis dans notre recueil, et à la première partie de Henri VI, que nous n’avons admise que pour sa valeur historique et parce qu’elle rend plus intelligibles certains passages des deux autres parties de