Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/17

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NOTICE SUR SHAKSPEARE. mj cette trilogie, tous les commentateurs s’accordent à reconnaître qu’il n’y a pas dans ces deux drames dix lignes qui appartiennent en propre à Shakspeare ; nous n’avons donc pas à l’en justifier. Les contemporains de Shakspeare saluèrent avec enthousiasme l’astre nouveau qui se levait sur la scène britannique ; des succès éclatants et non interrompus accompagnèrent tous ses pas dans la carrière dramatique ; son beau talent et son beau caractère lui valurent d’illustres amitiés. En tête de ces hommes qui furent les premiers à rendre hommage au talent sincère et consciencieux, il faut citer le comte de Southampton, grand seigneur jeune et brillant qu’attendaient dans la carrière politique d’illustres succès et de grands revers ; Shakspeare a laissé dans ses sonnets un impérissable monument de l’amitié enthousiaste et persévérante qui unissait ces deux âmes si bien faites pour se comprendre. La protection du comte ne faillit jamais au poëte, et ses magnifiques bienfaits vinrent plus d’une fois le chercher, sans que l’indépendance de ses affections en ait jamais été altérée. L’exemple du comte fut suivi par la reine Élisabeth, qui jusqu’à la fin de son règne étendit sur Shakspeare une éclatante protection. Ce fut même, dit-on, à sa demande qu’il composa une de ses plus amusantes comédies, les Joyeuses commères de Windsor. Charmée du personnage de Falstaff dans les deux parties de Henri IV, après avoir vu ce héros comique dans tant de situations diverses, elle exprima le vœu de le voir figurer dans le rôle d’amoureux. Le goût délicat de Shakspeare se refusa à prostituer ainsi l’amour, cette inépuisable source de tout ce qu’il y a de grand et de beau dans l’âme humaine, et au lieu du Falstaff amoureux, il offrit à ses spectateurs un Falstaff sensuel et lubrique, comme il devait l’être. Le successeur d’Élisabeth, Jacques l", ne témoigna pas pour le poëte de Stratford moins de prédilection et de sympathie. À peine monté sur le trône, en 1603, il octroya à une compagnie dont Shakspeare était l’un des principaux membres, un privilège pour l’exploitation du théâtre le Globe. C’est à dater de cette époque que Shakspeare, auteur dramatique, directeur d’une exploitation théâtrale, cessa de joindre à ces titres celui de comédien, différant en cela de notre Molière, qui continua jusqu’au bout son rôle de chef de troupe, et mourut sur le théâtre de sa gloire. a*