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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/57

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ACTE I, SCÈNE II.

CALIBAN.

Je veux baiser tes pieds ; je te jure l’obéissance d’un sujet.

STÉPHANO.

À genoux donc, et jure.

TRINCULO.

Ce monstre à face de chien me fait vraiment mourir de rire ; le détestable monstre ! je me sentirais presque le courage de le battre.

STÉPHANO., à Caliban, en lui présentant son pied.

Allons, baise.

TRINCULO.

Si le pauvre monstre n’était ivre… L’abominable monstre !

CALIBAN.

Je te montrerai les meilleures sources ; je te cueillerai des fruits sauvages ; je pêcherai pour toi, je te procurerai le bois dont tu auras besoin. La peste étouffe le tyran que je sers ! je ne porterai plus de bois pour lui, mais c’est toi que je suivrai, homme merveilleux.

TRINCULO.

Oh ! le ridicule monstre ! ériger en merveille un pauvre ivrogne !

CALIBAN.

Je t’en prie, laisse-moi te conduire à l’endroit où croissent les pommes sauvages ; je veux avec mes ongles allongés te déterrer des truffes ; je te montrerai un nid de geais, et t’enseignerai à prendre au piège l’agile marmouset ; je t’indiquerai où se trouvent des bouquets de noisettes, et quelquefois j’irai te ramasser des coquillages sur les rochers du rivage. Veux-tu venir avec moi ?

STÉPHANO.

Eh bien, sans plus de paroles, montre-moi le chemin. Trinculo, le roi et tout notre monde étant noyés, c’est nous qui héritons ici. Tiens, porte ma gourde, ami Trinculo ; bientôt nous la remplirons de plus belle.

CALIBAN., ivre, se met à chanter.

Adieu, mon maître, adieu pour tout de bon ;
D’un nouveau maître on m’a fait don.

TRINCULO.

Quel hurleur, quel ivrogne que ce monstre !

CALIBAN.

Plus de bois à porter, plus de bûches à fendre ;
Plus de plats à laver, plus de filets à tendre.
Ban, ban, ban, Caliban
Aujourd’hui rompra son ban.

Liberté ! liberté ! morbleu ! liberté !

STÉPHANO.

Ô brave monstre ! marche devant nous.

Ils sortent.