Je t’en prie, ne tourne pas comme cela autour de moi ; mon estomac n’est pas très-affermi.
Voilà de belles créatures, si ce ne sont pas des esprits. Voilà un excellent dieu, porteur d’une liqueur céleste ; je vais m’agenouiller devant lui.
Comment t’es-tu sauvé ? comment es-tu venu ici ? Jure par ma gourde de me dire comment tu es venu ici. Pour moi, je me suis sauvé sur une futaille de vin que les matelots avaient jetée à la mer ; j’en jure par cette gourde, que j’ai fabriquée moi-même de l’écorce d’un arbre, depuis que je suis à terre.
Je jure sur cette gourde d’être ton fidèle sujet ; car cette liqueur n’est pas terrestre.
La voilà, jure. {À Trinculo.) Voyons, comment t’es-tu sauvé ?
J’ai nagé comme un canard jusqu’au rivage ; je sais nager comme un canard, je t’en donne ma parole.
Tiens, baise la bible ; quoique tu nages comme un canard, tu es fait comme une oie.
Ô Stéphano ! as-tu encore de ce vin ?
Tout le tonneau, mon cher ; ma cave est dans l’enfoncement d’un roc, au bord de la mer ; c’est là qu’est caché mon vin. Eh bien, veau marin, comment va ta fièvre ?
N’es-tu pas descendu du ciel ?
De la lune, sur ma parole ! Je suis l’homme dans la lune, dont il était question au temps jadis.
Je t’ai vu dans cet astre, et je t’adore. Ma maîtresse t’a montré à moi, toi, ton chien et ton buisson.
Allons, jure-le ; baise la bible ; je la remplirai de nouveau tout à l’heure : jure.
Par la lumière du jour, voilà un monstre bien borné ! Moi avoir peur de lui ! c’est un monstre peu redoutable. L’homme dans la lune ! Oh ! quel monstre crédule ! voilà qui s’appelle boire en maître, monstre, sur ma parole.
Je te montrerai tous les terrains fertiles de l’île ; je baiserai tes pieds ; je t’en prie, sois mon dieu.
Par le ciel, voilà un monstre bien perfide et bien ivrogne ! quand son dieu sera endormi, il lui dérobera sa bouteille.