Page:Shakespeare - Œuvres complètes, Laroche, 1842, vol 1.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
LA TEMPÊTE.

après, commence à attaquer les parties vitales : je vous en supplie, vous qui avez les membres plus agiles que moi, courez sur leurs pas, et sauvez-les des extrémités auxquelles peut les entraîner leur frénésie.

ADRIEN, aux autres.

Suivez-moi, je vous prie.




ACTE QUATRIÈME.





Scène I.


Devant la cabane de Prospéro.
Entrent PROSPÉRO, FERDINAND et MIRANDA.


PROSPÉRO.

Si je t’ai puni trop sévèrement, tu en es bien dédommagé ; car je te donne un fil de ma propre vie : je te donne celle pour laquelle je vis ; je la remets de nouveau dans tes mains ! Les contrariétés que je t’ai imposées avaient pour but d’éprouver ton amour, et tu es sorti victorieux de l’épreuve ; ici, à la face du ciel, je ratifie ce don précieux. Ferdinand ! ne souris pas de mes paroles ; ne crois pas que j’exagère ; tu verras qu’elle dépasse tous les éloges, et les laisse bien loin derrière elle.

FERDINAND.

Je le croirais, quand un oracle me dirait le contraire.

PROSPÉRO.

Reçois donc ma fille comme un don que je te fais et comme une acquisition que tu as dignement achetée ; mais si tu dénoues sa ceinture virginale avant l’entier accomplissement de toutes les cérémonies saintes, le ciel ne bénira pas cette union ; la discorde, la haine desséchante, le dédain au regard plein d’aigreur sèmeront votre couche nuptiale d’herbes si infectes que tous deux vous la détesterez. Attendez donc que le flambeau de l’hymen s’allume pour vous.

FERDINAND.

Aussi vrai que j’espère de cet amour des jours tranquilles, de beaux enfants et une longue vie, la plus sombre caverne, le lieu le plus propice, les plus fortes suggestions de mon mauvais génie, ne feront jamais prévaloir en moi la passion sur l’honneur, ne m’entraîneront jamais à déflorer la joie de ce jour nuptial où je croirai que les coursiers de Phœbus sont abattus, ou que la nuit est retenue enchaînée sous l’horizon.