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ACTE IV, SCÈNE I.

seigneur ? Il vous manque encore quelques-uns de vos gens que vous avez oubliés.


Rentre ARIEL, chassant devant lui CALIBAN, STÉPHANO et TRINCULO, dans le costume qu’ils ont dérobé.


STÉPHANO.

Que chacun s’évertue pour les autres, et que nul ne songe à lui-même ; car tout n’est qu’heur et malheur ici-bas. Coragio, monstre, coragio.

TRINCULO.

Si les observateurs que porte ma tête ne me trompent pas, voilà un agréable spectacle.

CALIBAN.

Ô Sétébos ! ce sont là, par ma foi, des esprits avenants. Comme mon maître est beau ! j’ai bien peur qu’il ne me châtie.

SÉBASTIEN.

Ha ! ha ! quels sont ces objets, seigneur Antonio ? Sont-ils à vendre ?

ANTONIO.

Très-probablement ; l’un d’eux est un poisson qu’on peut sans doute acheter.

PROSPÉRO.

Seigneur, voyez-moi la mine qu’ont ces hommes, et dites-moi si ce sont d’honnêtes gens… Ce coquin mal bâti est fils d’une sorcière si puissante en son temps qu’elle commandait à la lune, faisait, comme elle, monter ou baisser les marées, et exerçait ses fonctions sans être revêtue de son pouvoir ; tous trois m’ont volé, et ce demi-diable (car c’est un démon bâtard) avait comploté avec les deux autres de m’arracher la vie ; vous devez reconnaître deux de ces gaillards pour être de vos gens ; je reconnais cet objet de ténèbre comme m’appartenant.

CALIBAN.

Je serai tenaillé jusqu’à ce que mort s’ensuive.

ALONZO.

N’est-ce pas là Stéphano, mon ivrogne de sommelier ?

SÉBASTIEN.

Il est ivre en ce moment même… Où diantre s’est-il procuré du vin ?

ALONZO.

Trinculo aussi est dans les vignes du Seigneur.. Où ont-ils trouvé la liqueur merveilleuse qui les a ainsi colorés ? (À Trinculo.) Qui t’a mis dans ce bel état ?

TRINCULO.

Depuis que je vous ai vu, j’ai été mariné de la belle façon ; mes os s’en ressentiront longtemps ; ma chair ne craint plus les mouches à viande.

SÉBASTIEN.

Et toi, Stéphano, qu’as-tu donc ?

STÉPHANO.

Oh ! ne me touchez pas ; je ne suis pas Stéphano, mais une crampe.