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LA TEMPÊTE.


PROSPÉRO.

Tu voulais être roi de cette île, drôle ?

STÉPHANO.

Couvert de plaies comme je le suis, j’aurais été un roi bien ulcéré.

ALONZO, montrant Caliban.

Voilà bien l’être le plus étrange que j’aie vu de ma vie.

PROSPÉRO.

Il est aussi hideux au moral qu’au physique.{À Caliban.) Drôle, va dans ma grotte avec tes compagnons ; si tu veux obtenir ton pardon, tâche de la décorer avec soin.

CALIBAN.

Je vais le faire ; désormais je serai plus sage et tâcherai de plaire. Quel simple nigaud j’étais (montrant Stéphano) de prendre cet ivrogne pour un dieu, et (montrant Trinculo) d’adorer cet imbécile !

PROSPÉRO.

Va et dépêche-toi.

ALONZO, à Stéphano et à Trinculo.

Allez, et remettez ces vêtements où vous les avez pris.

SÉBASTIEN.

Ou plutôt volés.

Caliban, Stéphano et Trinculo sortent.
PROSPÉRO, à Alonzo.

Seigneur, j’invite votre altesse et sa suite à entrer dans mon humble grotte ; vous y reposerez cette nuit, dont vous emploierez une partie à écouter des récits qui en abrégeront la durée ; je vous raconterai l’histoire de ma vie, et tout ce qui m’est advenu depuis que je suis dans cette île. Demain matin je vous conduirai à vos vaisseaux, puis à Naples, où j’espère voir célébrer les noces de nos enfants bien-aimés ; après quoi je me retirerai à Milan, où une de mes pensées sur trois sera consacrée à ma tombe.

ALONZO.

Il me tarde d’entendre l’histoire de vos aventures ; je ne doute point qu’elles ne m’intéressent vivement.

PROSPÉRO.

Je vous raconterai tout ; en outre, je vous promets une mer calme, des vents propices, et une traversée rapide pour votre royale flotte… (À Ariel.) Ariel, mon mignon, charge-toi de cela. Puis va te réunir aux éléments, sois libre et heureux. {Au Roi et à sa suite.) Veuillez entrer, je vous prie.

Ils sortent.