Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/115

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entre.)

MALVOLIO.--Madame, il jure qu’il vous parlera. Je lui ai dit que vous
étiez malade : il répond qu’il s’attendait à cela, et que c’est pour
cela qu’il vient vous parler : je lui ai dit que vous étiez endormie ; il
semble qu’il en avait aussi un pressentiment, et il dit que c’est pour
cela qu’il vient vous parler ; que lui dira-t-on, madame ? Il est cuirassé
contre toute espèce de refus.

OLIVIA.--Dites-lui qu’il ne me parlera pas.

MALVOLIO.--On le lui a déjà dit ; et il déclare qu’il va s’établir à
votre porte, comme le poteau d’un shériff[25], et se faire pied de banc ;
mais qu’il vous parlera.

[Note 25 : Les poteaux placés à la porte du shériff, pour afficher les
actes publics, les ordonnances, etc.]

OLIVIA.--Quelle espèce d’homme est-ce ?

MALVOLIO.--Mais de l’espèce des hommes.

OLIVIA.--Et quelles sont ses manières ?

MALVOLIO.--De fort mauvaises manières. Il veut vous parler, que vous
vouliez ou non.

OLIVIA.--Et sa personne, son âge ?

MALVOLIO.--Il n’est pas encore assez âgé pour un homme, ni assez jeune
pour un enfant ; il est ce qu’est une cosse avant qu’elle devienne pois ;
ou un fruit vert, quand il est sur le point d’être une pomme ; au point
de séparation entre l’enfant et l’homme ; il a un fort beau visage, et
il parle d’un ton mutin ; on croirait que le lait de sa mère n’est pas
encore tout à fait sorti de ses veines.

OLIVIA.--Qu’il vienne ; appelez ma demoiselle.

MALVOLIO.--Mademoiselle, madame vous appelle.

(Il sort.)

(Marie rentre.)

OLIVIA.--Donnez-moi mon voile ; jetez-le-moi sur mon visage : nous
consentons à écouter encore une fois l’ambassade d’Orsino.

(Entre Viola.)

VIOLA.--Laquelle est ici l’honorable maîtresse du logis ?

OLIVIA.--Adressez-moi la parole, je répondrai pour elle ; que
voulez-vous ?

VIOLA.--Très-radieuse, parfaite et incomparable