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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/17

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timon. — Eh bien qu’y a-t-il de plus ?

le vieillard. — Je n’ai qu’une fille, une fille unique, à qui je puisse transmettre ce que j’ai. Elle est belle, et des plus jeunes qu’on puisse épouser. Je l’ai élevée avec de grandes dépenses pour lui faire acquérir tous les talents. Ce valet, qui vous appartient, ose rechercher son amour. Je vous conjure, noble seigneur, joignez-vous à moi pour lui défendre de la fréquenter ; pour moi j’ai parlé en vain.

timon. — Le jeune homme est honnête.

le vieillard. — Il le sera donc envers moi, Timon… Que son honnêteté lui serve de récompense sans m’enlever ma fille.

timon. — L’aime-t-elle ?

le vieillard. — Elle est jeune et crédule. Nos passions passées nous apprennent combien la jeunesse est légère.

timon. — Aimes-tu cette jeune fille ?

lucilius. — Oui, mon bon seigneur, et elle agrée mon amour.

le vieillard. — Si mon consentement manque à son mariage, j’atteste ici les dieux que je choisirai mon héritier parmi les mendiants de ce monde, et que je la déshérite de tout mon bien.

timon. — Et quelle sera sa dot, si elle épouse un mari sortable ?

le vieillard. — Trois talents pour le moment ; à l’avenir, tout.

timon. — Cet honnête homme me sert depuis longtemps : je veux faire un effort pour fonder sa fortune, car c’est un devoir pour moi. Donnez-lui votre fille ; ce que vous avancerez pour sa dot sera la mesure de mes dons, et je rendrai la balance égale entre elle et lui.

le vieillard. — Noble seigneur, donnez-m’en votre parole, et ma fille est à lui.

timon. — Voilà ma main, et mon honneur sur ma promesse.

lucilius. — Je remercie humblement votre Seigneurie : tout ce qui pourra jamais m’arriver de fortune et de bonheur, je le regarderai toujours comme venant de vous.

(Lucilius et le vieillard sortent.)