Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/171

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peut lui rendre sa liberté sans inconvénient, je voudrais que cela fût
déjà fait, car me voilà si mal avec ma nièce que je ne peux conduire
cette farce jusqu’au bout. Viens me trouver ensuite dans ma chambre.

(Il sort avec Marie.)

LE BOUFFON, chantant.

Allons, Robin, joyeux Robin,
Dis-moi comment va ta maîtresse.

MALVOLIO.--Fou !

LE BOUFFON, chantant.

Ma maîtresse est par ma foi une cruelle.

MALVOLIO.--Fou !

LE BOUFFON.

Hélas ! pourquoi l’est-elle ?

MALVOLIO.--Fou, réponds-moi donc.

LE BOUFFON.

C’est qu’elle en aime un autre.

Qui m’appelle ici ?

MALVOLIO.--Bon fou, si jamais tu veux bien mériter de moi, procure-moi
de la lumière, une plume, de l’encre et du papier : comme je suis
gentihomme, je t’en serai reconnaissant toute ma vie.

LE BOUFFON.--Quoi, monsieur Malvolio ?

MALVOLIO.--Oui, mon bon fou.

LE BOUFFON.--Hélas ! monsieur, comment avez-vous perdu l’usage de vos
cinq sens ?

MALVOLIO.--Fou, il n’y eut jamais d’homme insulté d’une manière aussi
indigne : je jouis de tout mon bon sens aussi bien que toi, fou.

LE BOUFFON.--Aussi bien que moi ? En ce cas vous êtes donc fou, si vous
n’êtes pas plus dans votre bon sens qu’un fou.

MALVOLIO.--Ils ont pris possession de moi ici ; ils me tiennent dans
l’obscurité, ils m’envoient des ministres, des ânes, et font tout ce
qu’ils peuvent pour me faire perdre la raison.

LE BOUFFON.--Faites bien attention à ce que vous dites :