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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/172

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le ministre est
ici présent. (Le Bouffon aussitôt varie sa voix et contrefait dans
l’obscurité celle du ministre.)--Malvolio, Malvolio, que le ciel
veuille te rendre la raison ! Tâche de dormir, et laisse là ton vain
babil.

MALVOLIO.--Messire Topas !

LE BOUFFON, même jeu.--Ne perdez point de paroles avec lui, mon
garçon.--Qui, moi, monsieur ? Non pas moi, monsieur. Dieu soit avec
vous, bon messire Topas ! --Ainsi soit-il ! Ainsi soit-il ! --Je le ferai,
monsieur, je le ferai.

MALVOLIO.--Fou ! fou ! fou ! réponds-moi donc.

LE BOUFFON, reprenant son ton naturel.--Hélas, monsieur, un peu de
patience. Que dites-vous, monsieur ? On me gronde, parce que je vous
parle.

MALVOLIO.--Mon bon fou, oblige-moi de m’apporter de la lumière et un peu
de papier. Je te dis que je suis dans mon sens, autant qu’homme qui soit
dans toute l’Illyrie.

LE BOUFFON.--Plût au ciel qu’il en fût ainsi, monsieur !

MALVOLIO.--Par cette main, cela est. Cher fou, un peu d’encre, de papier
et de lumière, et ensuite porte à madame ce que j’aurai écrit. Ce
message te sera plus avantageux qu’aucune lettre que tu aies jamais
portée.

LE BOUFFON.--Je veux bien vous obliger en cela. Mais dites-moi la
vérité : n’êtes-vous pas fou réellement, ou si vous ne faites que le
contrefaire ?

MALVOLIO.--Crois-moi, je ne suis point fou : je te dis la vérité.

LE BOUFFON.--Allons, je ne croirai plus jamais qu’un homme soit fou que
je n’aie vu sa cervelle. Je vais vous chercher de la lumière, du papier
et de l’encre.

MALVOLIO.--Fou, je ne mettrai point de bornes à ta récompense. Je t’en
prie, va.

LE BOUFFON sort en chantant.

Je suis parti, monsieur ;
Et dans un moment, monsieur,
Je vous rejoins
Dans un clin d’œil,
Pour pourvoir à vos besoins ;

Comme l’antique fou,
Qui, avec une dague de bois :
Dans sa colère et sa rage,
Crie : Ah ! ah ! au diable,
Comme un enfant insensé :
Rogne tes ongles, papa !
Adieu, écume d’un honnête homme.

SCÈNE III
Le jardin d’Olivia.

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