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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/22

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PREMIER SEIGNEUR. — Cet homme est en tout l’opposé de l’humanité. — Eh bien entrerons-nous, et prendrons-nous notre part des générosités de Timon ? Il est vraiment plus que la bonté même.

SECOND SEIGNEUR. — Il la répand sur tout ce qui l’environne. Plutus, le dieu de l’or, n’est que son intendant : pas le plus léger service qu’il ne paye sept fois plus qu’il ne vaut : pas le plus léger cadeau qui ne vaille à son auteur un présent qui excède toutes les mesures ordinaires de la reconnaissance.

PREMIER SEIGNEUR. — Il porte l’âme la plus noble qui ait jamais inspiré un mortel.

SECOND SEIGNEUR. — Puisse-t-il vivre longtemps dans la prospérité ! Entrons-nous ?

PREMIER SEIGNEUR. — Je vous suis.

(Ils sortent.)

SCÈNE II
Une salle d’apparat dans la maison de Timon.

(Concert bruyant de hautbois. Flavius et d’autres domestiques servent un grand banquet.)

Entrent TIMON, ALCIBIADE, LUCIUS, LUCULLUS, SEMPRONIUS, et autres sénateurs athéniens, avec VENTIDIUS et la suite. À quelque distance, et derrière tous les autres, suit APÉMANTUS, d’un air de mauvaise humeur.

VENTIDIUS. — Très-honoré Timon, il a plu aux dieux de se souvenir de la vieillesse de mon père, et de l’appeler à son long repos. Il a quitté la vie sans regret, et il m’a laissé riche. Votre cœur généreux mérite toute ma reconnaissance, et je viens vous rendre ces talents auxquels j’ai dû la liberté, accompagnés de mes remerciements et de mon dévouement.

TIMON. — Oh ! point du tout, honnête Ventidius ; vous vous méprenez sur mon amitié : je vous ai fait ce don librement. On ne peut dire qu’on a donné, quand on souffre que le don soit rendu. Si nos supérieurs jouent