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SUR ROMÉO ET JULIETTE. 271

à avaler une poudre au moyen de laquelle elle devait passer pour morte, et être portée dans la sépulture de sa famille, qui se trouvait placée dans l’église du couvent de Lonardo. Celui-ci devait venir l’en retirer et la faire passer ensuite, déguisée, à Mantoue, où était Roméo, qu’il se chargeait d’instruire de tout.

Les choses se passèrent comme l’avait annoncé Lonardo mais Roméo ayant appris indirectement la mort de Juliette avant d’avoir reçu la lettre du religieux, partit sur-le-champ pour Vérone avec un seul domestique, et, muni d’un poison violent, se rendit au tombeau, qu’il ouvrit, baigna de larmes le corps de Juliette, avala le poison et mourut. Juliette, réveillée l’instant d’après, voyant Roméo, mort et ayant appris du religieux, qui venait d’arriver, ce qui s’était passé, fut saisie d’une douleur si forte que, a sans pouvoir dire une parole, elle demeura morte sur le sein de son Roméo1. »

Cette histoire est racontée comme véritable par Girolamo della Corte il assure avoir vu plusieurs fois le tombeau de Juliette et de Roméo, qui, s’élevant un peu au-dessus de terre et placé près d’un puits, servait alors de lavoir à la maison des orphelins de Saint-lvrauçais, que l’on bâtissait en cet endroit. Il rapporte en même temps quele cavalier Gérardo Boldiero, son oncle, qui l’avait mené à ce tombeau, lui avait montré dans un coin du mur, près du couvent des Capucins, l’endroit d’où il avait entendu dire qu’un grand nombre d’années auparavant on avait retiré les restes de Juliette et de Roméo, ainsi que de plusieurs autres. Le capitaine Bréval, dans ses voyages, dit également avoir vu à Vérone, en un vieux bâtiment qui était alors une maison d’orphelins, et qui, selon son guide, avait renfermé le tombeau de Roméo et de Juliette ; mais il n’existait plus. Ce n’est probablement pas sur le récit de Girolamo della Corte que Shakspeare a composé sa tragédie elle fut d’abord représentée, à ce qu’il parait, en chez lord Hundsdon, lord chambellan de la reine Elisabeth, et imprimée pour la première fois en 1597. Or, l’ouvrage de Girolamo della Corte, qui devait avoir vingt-deux livres, se trouve interrompu au milieu du vingtième livre et à l’année 1560 par la maladie de l’auteur.-On voit de plus, dans la préface de l’éditeur, que cette maladie fut longue et amena la mort de l’historien, que la nécessité de revoir le travail auquel Girolamo n’avait pu mestre lui-même la dernière main prit un temps considérable, et enfin que les précès, tant « civils que criminels, » dont fut tourmenté l’éditeur, ne 1 Voyez Istorie di Verona del sig. Girolamo deLla Corte, etc., t. Ier, p. 589 et suiv. Édit. de 1594.