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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/30

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vaillent les sommes dont on paye leurs génuflexions. Amitié pleine d’une lie impure ! Il me semble que les hommes au cœur faux ne devraient pas avoir des jambes si lestes. — C’est ainsi que d’honnêtes dupes prodiguent leurs richesses pour des révérences.

TIMON. — Voyons, Apémantus, si tu n’étais pas si bourru, tu éprouverais mes bontés.

APÉMANTUS. — Non, je ne veux rien. Si tu allais me corrompre aussi, voyons, il ne resterait plus personne pour se moquer de ta folie, et tu ferais encore plus de sottises. Tu donnes tant, Timon, que je crains bien que tu ne finisses par te donner toi-même[1]. À quoi bon ces fêtes, ce luxe et ces vaines magnificences ?

TIMON. — Ah ! si tu commences à médire de la société, j’ai juré de ne pas t’écouter. Adieu, et reviens chanter sur un ton plus aimable.

(Il sort.)

APÉMANTUS. — Allons tu ne veux donc pas m’entendre à présent en bien, tu ne m’entendras jamais ; je te fermerai la porte du ciel[2]. Oh ! est-il possible que l’oreille des hommes soit sourde aux bons conseils, et non à la flatterie !

(Il sort.)


FIN DU PREMIER ACTE.

    out of bums, littéralement prolongement du derrière, signifie révérence, courbette.

  1. Il y a dans le texte thou wilt give thyself in paper, tu te donneras en papier. Un commentateur prétend qu’Apémantus entend par-là que Timon se donnera en billets, en lettres de change.
  2. « La porte du ciel. » Apémantus veut parler ici des bons conseils qu’il refusera désormais à Timon.