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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/401

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tendu raconter, jamais le cours d’un amour sincère ne fut paisible. Mais tantôt les obstacles viennent de la différence des conditions….

HERMIA. — Oh ! quel malheur, quand on est enchaîné à quelqu’un de plus bas que soi !

LYSANDRE. — Tantôt les cœurs sont mal assortis à cause de la différence des années….

HERMIA. — O douleur ! quand la vieillesse est unie à la jeunesse.

LYSANDRE. — Tantôt c’est le choix de nos amis qui contrarie l’amour….

HERMIA. — Oh ! c’est un enfer, de choisir l’objet de son amour par les yeux d’autrui.

LYSANDRE. — Ou, s’il se trouvait de la sympathie dans le choix, la guerre, la mort ou la maladie, sont venues l’assaillir et le rendre momentané comme un son, rapide comme une ombre, court comme un songe, passager comme l’éclair qui, au milieu d’une nuit sombre, découvre, dans un clin d’œil, le ciel et la terre ; et avant que l’homme ait eu le temps de dire : Voyez ! le gouffre de ténèbres l’a englouti. C’est ainsi que tout ce qui brille est prompt à disparaître.

HERMIA. — Si les vrais amants ont toujours été traversés, c’est un arrêt du destin ; apprenons donc à le subir avec patience, puisque c’est un revers commun, et aussi inséparable de l’amour que les pensées, les songes, les désirs et les larmes, accompagnement indispensable de nos pauvres penchants.

LYSANDRE. — Sage conseil ! Écoute-moi donc, Hermia : j’ai une tante qui est veuve, douairière, possédant une immense fortune, et qui n’a point d’enfants. Sa maison est éloignée d’Athènes de sept lieues ; elle me regarde comme son fils unique. Là, chère Hermia, je peux t’épouser, et la dure loi d’Athènes ne peut nous y poursuivre. Ainsi, si tu m’aimes, dérobe-toi de la maison de ton père demain dans la nuit, et dans le bois, à une lieue hors de la ville, au même endroit où je te rencontrai une fois avec Hélène, allant rendre votre culte à l’aurore de mai : là, je te promets de t’attendre.