Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/434

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harme sur tes lèvres vermeilles comme deux cerises mûres ! Comme elles appellent les baisers ! Quand tu lèves la main, la neige pure et glacée des sommets de Taurus, caressée par le vent d’orient, paraît noire comme le corbeau. Oh ! permets que je baise cette merveille de blancheur éblouissante, ce sceau de la félicité.

HÉLÈNE. — Ô malice infernale ! Je vois bien que vous êtes tous ligués contre moi, pour vous amuser. Si vous étiez honnêtes, et connaissant la courtoisie, vous ne m’accableriez pas de vos outrages. Ne vous suffit-il pas de me haïr, comme je sais que vous me haïssez, sans vous unir étroitement pour vous moquer de moi ? Si vous étiez des hommes, comme vous en avez la figure, vous ne traiteriez pas ainsi une femme bien née. Venir me jurer de l’amour, et exagérer ma beauté, lorsque je suis sûre que vous me haïssez de tout votre cœur ! Vous êtes tous deux rivaux, vous aimez Hermia ; et tous deux, en ce moment, vous rivalisez à qui insultera le plus Hélène. Voilà un grand exploit, une mâle entreprise, de faire couler les larmes d’une fille infortunée, par votre dérision ! Jamais des hommes de noble naissance n’auraient ainsi offensé une jeune fille ; jamais ils n’auraient poussé à bout la patience d’une âme désolée, comme vous faites, uniquement pour vous en faire un jeu !

LYSANDRE. — Vous êtes dur, Démétrius ; n’en agissez pas ainsi. Car vous aimez Hermia ; vous savez que je ne l’ignore pas ; et ici même, bien volontiers et de tout mon cœur, je vous cède ma part de l’amour d’Hermia : léguez-moi en retour la vôtre dans l’amour d’Hélène, que j’adore et que j’aimerai jusqu’au trépas.

HÉLÈNE. — Jamais des moqueurs ne prodiguèrent plus de vaines paroles.

DÉMÉTRIUS. — Lysandre, garde ton Hermia ; je n’en veux point : si je l’aimai jamais, cet amour est tout à fait anéanti. Mon cœur n’a fait que séjourner avec elle en passant, comme un hôte étranger ; et maintenant il est retourné à Hélène, comme sous son toit natal, pour s’y fixer à jamais.

LYSANDRE. — Hélène, cela n’est point !