Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/447

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naguère en gouttes sur les boutons, telle que de rondes perles d’orient, semblait au cœur de ces jolies petites fleurs autant de larmes qui pleuraient leur disgrâce. Quand je l’eus grondée à mon gré, et qu’elle eut imploré mon pardon en termes soumis, je lui demandai alors son petit nain : elle me le donna aussitôt, et envoya ses fées le porter dans mon royaume ; maintenant que je tiens l’enfant, je veux dissiper l’odieuse erreur de ses yeux. Ainsi, aimable Puck, ôte ce crâne enchanté de la tête de cet artisan athénien, afin qu’en se réveillant avec les autres il puisse regagner Athènes, et ne plus songer aux accidents de cette nuit que comme aux tourments chimériques d’un rêve. Mais je veux commencer par délivrer la reine des fées.

(Il s’approche d’elle, et dit en lui touchant les yeux avec une herbe.)

Sois comme tu avais coutume d’être.
Vois comme tu avais coutume de voir :
C’est le bouton de Diane sur la fleur de Cupidon[1]
Qui est doué de cette vertu céleste.

Allons, ma chère Titania ; éveillez-vous, ma douce reine.

TITANIA. — Mon Oberon ! quelles visions j’ai eues ! Il m’a semblé que j’étais amoureuse d’un âne.

OBERON, montrant Bottom. — Voilà votre amant.

TITANIA. — Comment ces choses sont-elles arrivées ? Oh ! comme mes yeux abhorrent maintenant son visage !

OBERON. — Silence, un instant.—Robin, enlève cette tête.—Titania, appelez votre musique, et accablez les sens de ces cinq personnages d’un sommeil plus profond qu’à l’ordinaire.

TITANIA. — De la musique ! holà ! de la musique ! celle qui procure le sommeil.

PUCK. — Maintenant quand tu te réveilleras, vois avec tes propres yeux, ceux d’un sot.

OBERON. — Musique, commencez. (On entend un

  1. Le bouton de Diane, c’est le bouton de l’agnus castus, et la fleur de Cupidon, la viola tricolor.