Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/126

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non, plus de vie. Quoi ! un chien, un chat, un rat ont de la vie ; et toi pas la moindre haleine ! Oh ! tu ne reviendras plus, jamais, jamais, jamais, jamais ! — Défaites ce bouton, je vous en prie – Je vous remercie, monsieur – Voyez-vous cela ?…. regardez-la…. regardez…. ses lèvres…. regardez…. regardez….

Il meurt.

Edgar. – Il perd connaissance…. Seigneur, seigneur !

Kent. – Brise-toi, mon cœur ; je t’en prie, brise-toi.

Edgar. – Seigneur, ouvrez les yeux.

Kent. – Ne tourmentez pas son âme ; laissez-le s’en aller. C’est le haïr que de vouloir l’étendre plus longtemps sur le chevalet de cette rude vie.

Edgar. – Oh ! il est mort en effet.

Kent. – Ce qui m’étonne, c’est qu’il ait pu souffrir si longtemps : il usurpait la vie.

Albanie. – Emportez ces corps : le malheur commun est l’objet qui réclame nos soins. A Kent et à Edgar. — Vous, amis de mon cœur, commandez tous deux dans ce royaume, et rendez des forces à l’État ensanglanté.

Kent. – J’ai bientôt un voyage à faire, seigneur : mon maître m’appelle, et je ne puis lui dire non.

Albanie. – Il faut subir le poids de ces temps d’affliction, dire ce que nous sentons, et non tout ce qu’il y aurait à dire. Le plus vieux est celui qui a le plus souffert. Nous qui sommes jeunes, nous ne verrons jamais ni tant de maux, ni tant de jours.

Ils sortent au son d’une musique funèbre.