Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/33

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avocat sans salaire : vous ne m’avez rien donné pour cela. Est-ce que vous ne savez pas tirer parti de rien, noncle ?

Lear. – Non, en vérité, mon enfant ; on ne peut rien faire de rien.

Le fou, à Kent – Je t’en prie, dis-lui que c’est à cela que se monte le revenu de ses terres ; il n’en voudrait pas croire un fou.

Lear. – Tu es un fou bien mordant.

Le fou. – Sais-tu, mon garçon, la différence qu’il y a entre un fou mordant et un fou débonnaire ?

Lear. – Non, petit ; apprends-le moi.

Le fou. – Ce lord qui t’a conseillé De te dépouiller de tes domaines, Viens, place-le ici près de moi ; Ou bien toi, prends sa place. Le fou débonnaire et le fou mordant Seront aussitôt en présence : L’un ici en habit bigarré, Et on trouvera l’autre là.

Lear. – Est-ce que tu m’appelles fou, petit ?

Le fou. – Tu as cédé tous les autres titres que tu avais apportés en naissant.

Kent. – Ceci n’est pas tout à fait de la folie, seigneur.

Le fou. – Non, en vérité ; les lords et les grands personnages ne veulent rien me concéder. Si j’avais un monopole, il leur en faudrait leur part, et aux dames aussi : elles ne me laisseront pas les sottises à moi tout seul, elles en tireront leur lopin – Donne-moi un oeuf, noncle, et je te donnerai deux couronnes.

Lear. – Qu’est-ce que ce sera que ces deux couronnes ?

Le fou. – Voilà, quand j’aurai coupé l’oeuf par le milieu et mangé tout ce qui est dedans, je te donnerai les deux couronnes de l’oeuf. Lorsque tu as fendu ta cou-