Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/482

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Cérimon : J’ai toujours pensé que la vertu et le savoir étaient des dons plus précieux que la noblesse et la richesse. Des héritiers insouciants peuvent flétrir et dissiper ces deux derniers ; mais les autres sont suivis par l’immortalité qui fait un dieu de l’homme. Vous savez que j’ai toujours étudié la médecine, dont l’art secret, fruit de la lecture et de la pratique, m’a fait connaître les sucs salutaires que contiennent les végétaux, les métaux et les minéraux. Je puis expliquer les maux que la nature cause, et je sais les moyens de les guérir : ce qui me rend plus heureux que la poursuite des honneurs incertains, ou le souci d’enfermer mes trésors dans des sacs de soie pour le plaisir du fou et de la mort.

Second Éphésien : Votre Seigneurie a répandu ses bienfaits dans Éphèse, où mille citoyens s’appellent vos créatures, rendues par vous à la santé ; -non-seulement votre science, vos travaux, mais encore votre bourse toujours ouverte, ont procuré au seigneur Cérimon une renommée que jamais le temps…

(Entrent deux valets avec une caisse.)

Le Valet : Déposez ici.

Cérimon : Qu’est-ce que cela ?

Le Valet : La mer vient de jeter sur la côte ce coffre, qui provient de quelque naufrage.

Cérimon : Déposez-le là, que nous l’examinions.

Second Éphésien : Cela ressemble à un cercueil, seigneur.

Cérimon : Quoi que ce soit, le poids est des plus lourds : ouvrez cette caisse. L’estomac de la mer est surchargé d’or : la fortune a eu raison de le faire vomir ici.

Second Éphésien : Vous avez deviné, seigneur.

Cérimon : Comme elle est goudronnée partout ! Est-ce la mer qui l’a jetée sur le rivage ?

Le Valet : Je n’ai jamais vu de vague aussi forte que celle qui l’a apportée.

Cérimon : Allons, ouvre-la. Doucement, doucement ; quel parfum délicieux !

Second Éphésien : C’est un baume exquis.