Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/488

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frapper. Je recommande à votre attention cet événement qui se prépare. Je transporte seulement le temps et ses ailes sur le pied boiteux de mon poëme. Je ne pourrais y parvenir si vos pensées ne voyagent avec moi. Dionysa va paraître avec Léonin, un meurtrier.

(Gower sort.)


Scène I

Tharse. Plaine près du rivage de la mer.

Dionysa entre avec Léonin.

Dionysa : Souviens-toi de ton serment, tu as juré de l’exécuter ; ce n’est qu’un coup qui ne sera jamais connu. Tu ne pourrais rien faire dans ce monde en aussi peu de temps, qui te rapportât davantage. Que la conscience, qui n’est qu’une froide conseillère, n’allume pas la sympathie dans ton cœur trop scrupuleux ; que la pitié, que les femmes même ont abjurée, ne t’attendrisse pas ; sois un soldat résolu dans ton dessein.

Léonin : Je te tiendrai parole ; mais c’est une céleste créature.

Dionysa : Elle n’en est que plus propre à être admise chez les dieux ; la voici qui vient pleurant la mort de sa nourrice ; es-tu résolu ?

Léonin : Je le suis.

(Entre Marina avec une corbeille de fleurs.)

Marina : Non, non : je déroberai les fleurs de la terre pour les semer sur le gazon qui te recouvre ; les genêts, les bluets, les violettes purpurines et les soucis seront suspendus en guirlandes, tant que durera l’été. Hélas ! pauvre fille que je suis, née dans une tempête où mourut ma mère, le monde est pour moi comme une tempête continuelle, m’éloignant de mes amis.

Dionysa : Quoi donc, Marina ! pourquoi êtes-vous seule ? Comment se fait-il que ma fille ne soit pas avec vous ? Ne vous consumez pas dans la tristesse, vous avez en moi une autre nourrice. Seigneur ! combien votre