Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 6.djvu/296

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dérée comme moyen de conduite, la trahison presque instillée par le principe dominant de l’intúrèt’personnel, la désertion presque légitimée par la considération du péril que l’on courrait E1 de-menrer fidèle ; c’est aussi la tout ce qu’il a peint. (Test, à la vérité, le duc tl’York, personnage dont l’histoire nous fait connaître l’ineapa.eité et la nullité, qu*il a choisi pour représenter ce dévouement toujours si ardent pour l’homme qui gouverne, cette facilité Îl transmettre son culte du pouvoir de droit au pouvoir de fait, et vice verso, se réservant, seulement pour son honneur, des larmes solitaires en linveur de celui qu’il abandonne. Pour quiconque n’a pas vu la fortune se jouant avec les empires, ce personnage ne serait que comique ; mais pour qui a assisté li de pareils jeux, n’est-il pas d’une effrayante vérité ?

Dans un pareil entourage, on Slialispeare pouvait-il puiser ce pathétique qu’il aurait aimé a répandre sur le spectacle de la graudeur décline ? Lui qui a donne au vieux Lear, dans sa misère, tant de nobles et fidèles amis, il n’en a pu trouver un seul il llicliartlg le roi est tombé dépouillé, nu, entre les mains «ln poete connue de son trône, et c’est en lui seul que le poële a été oblige de chercher toutes les ressources : aussi le rôle de llicliartl ll est il une des plus profondes conceptions de Shaltspeare.

Les commentateurs sont en grande discussion pour savoir si c’esL fi la cour de Jacques ou à celle d’Élisabetlx que Sliakspeare a pris les maximes qu’il professe assez connnunément en faveur du droit ilivin et du pouvoir absolu. Slialaspenre les a prises orrltnnitenient dans ses personnages mêmes ; et il lui suffisait ici rl’avoir à peindre un roi élevé sur le trône. liicharcl n’a jamais imaginé qu’il fût ou pùt être autre chose qu’un roi ; sa royauté fait în ses yeux partie de sa uature ; c’est un des éléments constitutifs de son être qu’il a apporte avec lui en naissant, sans autre condition que île vivre : connue il n’a rien ai faire pour le conserver, il n’est pas plus en son pouvoir de cesser (Yen être digue que de cesser d’eu être revêtu : de 111 son ignorance de ses devoirs envers ses sujets, envers sa propre sûreté, son indolente confiance au milieu du danger. Si cette confiance Palganclonne un instant îi chaque nouveau revers, elle revient aussitût, doublant de force în mesurequiil lui en laut davantage pour suppléer aux appuis qui sfúcroulent successivement. Arrivé enfin au point on il ne lui est plus possible d’espérer, le roi s’ótonne, se regarde, se demande si c’est bien lui. Une autre espèce de courage s’cle\e alors en lui ; c’est celui que donne un malheur tel que i’homme qui le subit s’e\aite par la surprise où le plonge sa propre