Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ely. — Et ami sincère de la sainte Église.

Cantorbéry. — Ce n’était pas là ce que promettaient les écarts de sa jeunesse. Le dernier souffle de la vie n’a pas plutôt abandonné le corps de son père, que sa folie, mortifiée en lui, sembla expirer aussi : oui, au même moment, la raison, comme un ange descendu du ciel, vint et chassa de son sein le coupable Adam. Son âme épurée redevint un paradis, où rentrèrent les esprits célestes. Jamais jeune homme ne devint sitôt homme fait ; jamais la réforme ne vint d’un cours plus soudain balayer tous les défauts : jamais le vice, cette hydre aux têtes renaissantes, ne perdit si promptement et son trône et tout à la fois.

Ely. — Ce changement est béni pour nous.

Cantorbéry. — Entendez-le raisonner en théologie, et tout rempli d’admiration, vous souhaiterez en vous-même, que le roi fût un prélat : écoutez-le discuter les affaires de l’État, et vous direz qu’il en a fait sa seule étude : s’il parle guerre, vous croyez assister à une bataille, mise pour vous en musique ; mettez-le sur tous les problèmes de la politique, il vous en dénouera le nœud gordien, aussi facilement que sa jarretière ; aussi, lorsqu’il parle, l’air, contenu dans sa licence, reste calme, et l’admiration muette veille dans l’oreille de ses auditeurs pour saisir les maximes qui sortent de sa bouche, aussi douces que le miel. Il paraît impossible que l’exercice et la pratique n’aient pas servi de maîtres à sa théorie profonde ; et ce qui est merveilleux, c’est comment Son Altesse a pu recueillir cette ample moisson, lui dont la jeunesse était livrée à toutes les vaines folies ; lui dont les associés étaient illettrés, grossiers et frivoles ; lui dont les heures étaient remplies par les festins, par les jeux et la débauche ; lui que jamais on n’a vu appliqué à aucune étude ; jamais seul dans la retraite, jamais loin du bruit et de la foule.

Ely. — La fraise croît sous l’ombre de l’ortie, et c’est dans le voisinage des fruits les plus communs que les plantes salutaires s’élèvent et mûrissent le mieux ; ainsi le prince a caché sa raison sous le voile de la dissipation ; c’est