Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/134

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pour colorer son titre de quelque apparence de vérité (quoique dans la vérité il fût faux et nul), se porta pour héritier de dame Lingare, fille de Charlemagne, qui était fils de Louis, empereur, et Louis était fils de Charles le Grand. Aussi le roi Louis X, qui était l’unique héritier de l’usurpateur Capet, ne put porter la couronne de France et rester en paix avec sa conscience, jusqu’à ce qu’on lui eût prouvé que la belle reine Isabelle, son aïeule, descendait en ligne directe de dame Ermengare, fille du susdit Charles, duc de Lorraine ; par lequel mariage, la ligne de Charles le Grand avait été réunie à la couronne de France : en sorte qu’il est clair, comme le soleil d’été, que le titre du roi Pépin, et la prétention de Hugues Capet, et l’éclaircissement qui tranquillisa la conscience de Louis, tirent tous leur droit et leur titre des femmes, malgré cette loi salique qu’ils opposent aux justes prétentions que Votre Majesté tient du chef des femmes ; et ils aiment mieux se cacher dans un réseau, que d’exposer à la vue leurs titres faux, usurpés sur vos ancêtres et sur vous.

Le roi. — Puis-je, en conscience et en droit, hasarder cette revendication ?

Cantorbéry. — Que le crime en retombe sur ma tête, auguste souverain ! Il est écrit dans le livre des Nombres : Quand le fils meurt, que l’héritage alors descende à la fille. Mon digne prince, soutenez vos droits : déployez votre étendard sanglant : tournez vos regards sur vos illustres ancêtres : allez, mon souverain, allez à la tombe de votre fameux aïeul, de qui vous tenez vos droits, invoquez son âme guerrière, et celle de votre grand-oncle Édouard, le Prince Noir, qui donna une sanglante tragédie sur les champs français, et défit toutes leurs forces, tandis que son auguste père, debout sur une colline, souriait de voir son lionceau se baigner dans le sang de la noblesse française. O vaillants Anglais, qui pouvaient, avec la moitié de leurs forces, faire face à toute la puissance de la France ; tandis qu’une moitié de l’armée contemplait l’autre en souriant, avec tout le calme d’un spectateur tranquille et étranger à l’action !