Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/191

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n’ont point d’ailes pour échapper à celles de Dieu. La guerre est son prévôt, la guerre est sa vengeance ; en sorte que ces hommes se trouvent, pour leurs anciennes offenses contre les lois du roi, punis ensuite dans la querelle de ce même roi. Ils ont sauvé leur vie des lieux où ils craignaient de la perdre, pour la venir perdre là où ils croyaient la sauver. Alors, s’ils meurent sans y être préparés, le roi n’est pas plus coupable de leur damnation qu’il ne l’était auparavant des crimes et des iniquités pour lesquels la vengeance céleste les a visités. Le service de chaque sujet appartient au roi, mais à chaque soldat appartient son âme. Tout soldat devrait donc faire comme un malade sur son lit de mort, purger sa conscience de tout ce qui peut la souiller ; et alors, s’il meurt dans cet état, la mort devient pour lui un avantage ; s’il survit, c’est toujours avoir bien heureusement perdu son temps, que de l’avoir passé à cette préparation ; et celui qui échappe au trépas ne pèche sûrement point, en pensant que c’est à l’offrande volontaire qu’il a faite à Dieu de sa vie, qu’il doit l’avantage d’avoir survécu ce jour-là, afin de rendre témoignage à sa grandeur et d’enseigner aux autres comment ils doivent se préparer.

Williams. — Il est certain que les crimes de chaque homme qui meurt mal ne peuvent retomber que sur lui, et que le roi ne saurait en répondre.

Bates. — Je n’exige pas qu’il réponde pour moi, quoique je sois bien déterminé à me battre vigoureusement pour lui.

Le roi. — J’ai moi-même entendu le roi dire de sa propre bouche, qu’il ne voudrait pas être rançonné.

Williams. — Ah ! il a dit cela pour nous faire combattre de meilleur cœur ; mais quand notre tête sera tombée de nos épaules, on peut bien le rançonner alors ; nous n’en serons pas plus avancés.

Le roi. — Si je vis assez pour voir cela, je ne me fierai jamais plus à sa parole.

Williams. — Vous nous chargerez donc de lui demander compte ; c’est s’exposer au danger de faire éclater un vieux fusil, que de se livrer à un ressentiment particu-