Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/192

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lier contre un monarque. Autant vaudrait essayer de faire un glaçon du soleil, en le rafraîchissant avec une plume de paon en guise d’éventail. « Vous ne vous fierez plus à sa parole. » Allons, sottise que vous avez dite là.

Le roi. — Votre reproche a quelque chose de trop franc, et je m’en fâcherais, si le temps était propice.

Williams. — Eh bien, faisons-en un sujet de querelle, que nous viderons, si tu survis.

Le roi. — Je l’accepte.

Williams. — Mais comment te reconnaîtrai-je ?

Le roi. — Donne-moi quelque gage, et je le porterai à mon chapeau : alors, si tu oses le reconnaître, j’en ferai le sujet de ma querelle.

Williams. — Tiens, voilà mon gant : donne-moi le tien.

Le roi. — Le voilà.

Williams. — Je le porterai aussi à mon chapeau ; et si jamais, demain une fois passé, tu oses me venir dire : C’est là mon gant, par la main que voilà, je t’appliquerai un soufflet.

Le roi. — Si jamais je vis assez pour le voir, je t’en ferai raison.

Williams. — Tu aimerais autant être pendu.

Le roi. — Oui, je le ferai, fusses-tu en la compagnie du roi.

Williams. — Tiens ta parole, adieu.

Bates. — Quittez-vous bons amis, enfants que vous êtes ; soyez amis : nous avons assez à démêler avec les Français, si nous savions bien compter.

Le roi. — Sans doute, les Français peuvent parier vingt têtes[1] contre nous, qu’ils nous battront : mais ce n’est pas trahir l’Angleterre, que de couper des têtes françaises ; et demain le roi lui-même se mettra à en rogner. (Les soldats sortent.) Sur le compte du roi ! notre vie, nos âmes, nos dettes, nos tendres épouses, nos enfants, et nos péchés, mettons tout sur le compte du roi ! — Il faut donc que nous soyons chargés de tout. — O la dure condition,

  1. Jeu de mots sur Crown, tête, couronne, écu, etc., etc.