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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/206

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et York, tout mutilé, se traîne auprès de son ami, se plonge dans le sang figé où baigne son corps, et soulevant sa tête par sa chevelure, il baise les blessures ouvertes et sanglantes de son visage, et lui crie : « Arrête encore, cher Suffolk, mon âme veut accompagner la tienne dans son vol vers les cieux. Chère âme, attends la mienne ; elles voleront unies ensemble, comme dans cette plaine glorieuse et dans ce beau combat, nous sommes restés unis en chevaliers. » Au moment où il disait ces mots, je me suis approché et je l’ai consolé. Il m’a souri, m’a tendu sa main, et serrant faiblement la mienne, il m’a dit : — Cher lord, recommande mes services à mon souverain. Ensuite il s’est retourné, et il a jeté son bras blessé autour du cou de Suffolk, et a baisé ses lèvres ; et ainsi marié à la mort, il a scellé de son sang le testament de sa tendre amitié, qui a si glorieusement fini. Cette noble et tendre scène m’a arraché ces pleurs que j’aurais voulu étouffer ; mais j’ai perdu le mâle courage d’un homme ; toute la faiblesse d’une femme a amolli mon âme, et a fait couler de mes yeux un torrent de larmes.

Le roi. — Je ne blâme point vos armes ; car, à votre seul récit, il me faut un effort pour contenir ces yeux couverts d’un nuage, et prêts à en verser aussi. (Un bruit de guerre.) Mais écoutons ! Quelle est cette nouvelle alarme ? Les Français ont rallié leurs soldats épars ! Allons, que chaque soldat tue ses prisonniers. Donnez-en l’ordre dans les rangs.

(Ils sortent.)


Scène VII

Autre partie du champ de bataille. On voit entrer FLUELLEN ET GOWER.

Fluellen. — Comment ! on a tué les enfants et le bagage ! C’est contre les lois expresses de la guerre ; c’est un trait de bassesse aussi grand, voyez-vous, qu’on en