Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/231

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une jeune fille qui n’a encore été colorée que du seul vermillon de la pudeur virginale, si elle refuse qu’on lui présente un enfant nu et aveugle ? C’était là sûrement, seigneur, faire une dure proposition à une jeune princesse.

Le roi. — Cependant, tout en fermant les yeux, elles y consentent toutes.

Le Duc de Bourgogne. — Elles sont donc excusables, seigneur, puisqu’elles ne voient pas ce qu’elles font.

Le roi. — Eh bien, mon cher duc, enseignez donc à votre belle cousine à consentir de fermer les yeux pour moi.

Le Duc de Bourgogne. — Je le veux bien, seigneur, si vous voulez lui enseigner à comprendre ce que je vais dire. Les filles sont comme les mouches qui, pendant les chaleurs de l’été, sont fières et rétives ; mais une fois la Saint-Barthélemy passée, elles semblent aveugles, quoiqu’elles aient leurs yeux : alors elles souffrent qu’on les touche, tandis qu’auparavant elles fuyaient jusqu’aux regards.

Le roi. — Le sens de cela, c’est que me voilà forcé d’attendre le temps et un été bien chaud. Enfin, du moins, je puis prendre la mouche, votre cousine, et la faire consentir à être aveugle.

Le Duc de Bourgogne. — Comme l’est l’amour, seigneur, avant d’aimer.

Le roi. — Il est vrai : et vous avez bien des grâces à rendre à l’amour sur mon aveuglement, qui m’empêche de voir un si grand nombre de belles villes françaises, à cause d’une belle fille de France qui se trouve entre elles et moi.

Le roi de France. — Seigneur, ce n’est qu’en perspective que vous voyez ces villes : elles sont devenues autant de pucelles ; car elles ont toutes une ceinture de murailles vierges, que la guerre n’a encore jamais forcées.

Le roi. — Catherine sera-t-elle ma femme ?

Le roi de France. — Oui, comme vous le désirez.

Le roi. — Je suis satisfait. Ainsi ces villes pucelles dont vous parlez peuvent lui rendre grâce. Si la beauté vierge