gaieté si piquante ; le dévouement de son amitié l’ennoblit tellement à nos yeux, sa coquetterie est si franche et si spirituelle, son caquetage est presque toujours si aimable qu’on se sent disposé à lui tout pardonner. Célie, plus silencieuse et plus tendre, forme avec elle un heureux contraste.
L’amour, comme le font les villageois, est peint au naturel dans Sylvius et la dédaigneuse Phébé.
Touchstone, qui est dans son genre un philosophe grotesque, n’est pas l’amoureux le plus fou de la pièce ; si pour aimer il choisit la paysanne la plus gauche, et s’il aime en vrai bouffon, ses saillies sur le mariage, l’amour et la solitude sont des traits excellents : il est le seul qu’aucune illusion n’abuse.
Il y a dans cette pièce plus de conversations que d’événements : on y respire en quelque sorte l’air d’un monde idéal, la pièce semble inspirée par la pureté des deux héroïnes, et lorsque les mariages et la conversion subite du duc usurpateur qui forment une espèce de dénoûment vont rappeler les habitants de la forêt des Ardennes dans les habitudes de la vie réelle, si Jacques les abandonne, ce n’est pas dans un caprice morose, mais parce qu’il y a dans ce caractère insouciant et rêveur un besoin de pensées, et peut-être même de regrets vagues, qu’il espère retrouver encore auprès du duc Frédéric, devenu à son tour un solitaire.
On abandonnerait d’autant plus volontiers avec Jacques la fête générale, que Shakspeare, par oubli sans doute, ne nous y montre pas le vieux Adam, ce fidèle serviteur, ce véritable ami d’Orlando, si touchant par son dévouement, ses larmes généreuses et sa noble sincérité.
La fable romanesque de cette pièce fut puisée dans une nouvelle pastorale de Lodge qui était sans doute bien connue du temps de Shakspeare. On y voit Adam dignement récompensé par le prince. Les emprunts que le poëte a faits au romancier sont assez nombreux ; mais le caractère de Jacques, ceux de Touchstone et d’Audrey sont de l’invention de Shakspeare.
Le docteur Malone suppose que c’est en 1600 que fut écrite la comédie de Comme il vous plaira ; c’est une de celles qui ont le plus enrichi les recueils d’extraits élégants ; on y remarquera le fameux tableau de la vie humaine : Le monde est un théâtre, etc., etc.