une tige de pois, auquel je pris deux cosses pour les lui rendre en lui disant, en pleurant des larmes[1] : « Portez ceci pour l’amour de moi. » Nous autres vrais amants, nous sommes sujets à d’étranges caprices ; mais comme tout, dans la nature, est mortel, toute nature est mortellement folle en amour[2].
ROSALINDE.—Tu parles plus sagement que tu ne t’en doutes.
TOUCHSTONE.—Vraiment, jamais je ne me douterai de mon esprit que lorsque je me le serai cassé contre les os des jambes.
ROSALINDE.—O Jupiter ! Jupiter ! la passion de ce berger ressemble bien à la mienne.
TOUCHSTONE.—Et à la mienne aussi : mais cela devient un peu ancien pour moi.
CÉLIE.—Je vous en prie, que l’un de vous demande à cet homme-là s’il voudrait nous donner quelque nourriture pour de l’or. Je suis d’une faiblesse à mourir.
TOUCHSTONE.—Holà, vous, paysan !
ROSALINDE.—Tais-toi, sot ; il n’est pas ton parent.
CORIN.—Qui appelle ?
TOUCHSTONE.—Des personnes qui valent mieux que vous, l’ami.
CORIN.—Si elles ne valaient pas mieux que moi, elles seraient bien misérables.
ROSALINDE.—Paix ! te dis-je ; —bonsoir, l’ami !
CORIN.—Bonsoir, mon joli cavalier, ainsi qu’à vous tous.
ROSALINDE.—Je t’en prie, berger, si, par amitié ou pour de l’or, l’on peut obtenir quelques aliments dans ce désert, conduis-nous dans un endroit où nous puissions nous reposer et manger ; voilà une jeune fille que le voyage a accablée de fatigue ; elle est prête à défaillir de besoin.
CORIN.—Mon beau monsieur, je la plains de tout mon cœur,