bavant dans les bras de sa nourrice. Ensuite l’écolier, toujours en pleurs, avec son frais visage du matin et son petit sac, rampe, comme le limaçon, à contre-cœur jusqu’à l’école. Puis vient l’amoureux, qui soupire comme une fournaise et chante une ballade plaintive qu’il a adressée au sourcil de sa maîtresse. Puis le soldat, prodigue de jurements étranges et barbu comme le léopard[1], jaloux sur le point d’honneur, emporté, toujours prêt à se quereller, cherchant la renommée, cette bulle de savon, jusque dans la bouche du canon. Après lui, c’est le juge au ventre arrondi, garni d’un bon chapon, l’œil sévère, la barbe taillée d’une forme grave ; il abonde en vieilles sentences, en maximes vulgaires ; et c’est ainsi qu’il joue son rôle. Le sixième âge offre un maigre Pantalon[2] en pantoufles, avec des lunettes sur le nez et une poche de côté : les bas bien conservés de sa jeunesse se trouvent maintenant beaucoup trop vastes pour sa jambe ratatinée ; sa voix, jadis forte et mâle, revient au fausset de l’enfance, et ne fait plus que siffler d’un ton aigre et grêle. Enfin le septième et dernier âge vient unir cette histoire pleine d’étranges événements ; c’est la seconde enfance, état d’oubli profond où l’homme se trouve sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien.
(Orlando revient avec Adam.)
LE VIEUX DUC.—Soyez le bienvenu ! Déposez votre vénérable fardeau, et qu’il mange.
ORLANDO.—Je vous remercie surtout pour lui.
ADAM.—Vous faites bien de remercier pour moi ; car je puis à peine parler pour vous remercier moi-même.
LE VIEUX DUC.—Vous êtes les bienvenus, mettez-vous à l’œuvre : je ne vous dérangerai point en ce moment pour vous questionner sur vos aventures.—Faites-nous un peu de musique, cher cousin ; chantez-nous quelque chose.