Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/30

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mon fils fut percé de leurs poignards sanglants. Que Dieu, je l’en conjure, ne laisse vivre aucun de vous, jusqu’au terme naturel de sa vie, mais qu’un accident imprévu tranche vos jours !

Glocester. ― Mégère, as-tu fini ta conjuration, vieille et détestable sorcière que tu es ?

Marguerite. ― Et je t’oublierais, toi ! Arrête, chien : il faut que tu m’entendes. Si le Ciel tient en réserve quelques châtiments douloureux, plus cruels que ceux que je peux te souhaiter, oh ! qu’il les retienne encore jusqu’à ce que la mesure de tes forfaits soit comblée, et qu’alors il précipite sur toi leur indignation, perturbateur du repos de ce triste univers ! Que le ver de la conscience ronge ton âme sans relâche ! que, tant que tu vivras, tes amis te soient suspects comme traîtres, et que les traîtres les plus perfides soient pris par toi pour tes meilleurs amis ! Que jamais le sommeil ne ferme ton œil de mort, si ce n’est pour qu’un songe terrible t’épouvante d’une troupe infernale de hideux démons ; avorton dévoué par les fées, pourceau dévastateur, marqué à ta naissance pour être le rebut de la nature, et le fils de l’enfer ! toi, l’opprobre du ventre pesant de ta mère, fruit abhorré des reins de ton père, lambeau déshonoré ! détestable….

Glocester. ― Marguerite !

Marguerite. ― Richard !

Glocester. ― Quoi ?

Marguerite. ― Je ne t’appelle point.

Glocester. ― En ce cas, pardonne ; j’avais cru que tous ces noms odieux s’adressaient à moi.

Marguerite. ― Oui, c’était à toi ; mais je n’attendais pas de réponse.― Oh ! laisse-moi finir mon imprécation.

Glocester. ― Je l’ai finie, moi ; elle se termine par ce nom : Marguerite.

Élisabeth. ― Ainsi, toutes vos imprécations retombent sur vous-même.