Marguerite. ― Pauvre reine en peinture ! Vain fantôme de mes grandeurs ! pourquoi répandre le sucre devant cette araignée au large ventre dont la toile funeste t’enveloppe de toutes parts ? Insensée, insensée ! tu aiguises le couteau qui doit t’égorger ! Un jour viendra où tu imploreras mon secours pour t’aider à maudire ce venimeux crapaud de bossu.
Hastings. ― Fausse prophétesse, finis tes frénétiques imprécations, ou crains, pour ton malheur, de lasser notre patience.
Marguerite. ― Opprobre sur vous tous : vous avez tous lassé la mienne.
Rivers. ― Si l’on vous faisait justice, on vous apprendrait votre devoir.
Marguerite. ― Pour me faire justice, vous devriez tous me rendre vos devoirs, m’enseigner à être votre reine, et apprendre, vous, à être mes sujets : oh ! faites-moi justice, et apprenez vous-mêmes à observer ce devoir.
Dorset. ― Ne disputez point avec elle ; c’est une lunatique.
Marguerite. ― Silence, maître marquis ; point tant d’insolence. Vos dignités, tout nouvellement frappées, commencent à peine à avoir cours. Oh ! si votre noblesse toute jeune encore pouvait juger ce que c’est que de perdre son rang, et de tomber dans la misère ! Ceux qui se trouvent placés sur les hauteurs sont exposés à un bien plus grand nombre de coups de vents, et s’ils tombent, ils se brisent en mille morceaux.
Glocester. ― Le conseil est bon, vraiment ! retenez-le, retenez-le, marquis.
Dorset. ― Il vous regarde, milord, autant que moi.
Glocester. ― Sans doute, et beaucoup plus. Mais je suis né à une telle élévation que notre nid, bâti sur la cime du cèdre, se joue dans les vents et brave le soleil.
Marguerite. ― Et le plonge dans les ténèbres.― Hélas, hélas ! témoin mon fils, qui maintenant est plongé dans les ombres de la mort, lui, dont ta rage ténébreuse a