Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CXLII. — Car avec qui Vénus passerait-elle la nuit, si ce n’est avec de vains sons, comparables à des parasites, répondant à toutes les voix, comme des cabaretiers à la langue acérée, et adoucissant l’humeur des esprits fantasques ? Elle disait oui, l’écho répondait oui ; et il eût dit non si elle eût voulu.

CXLIII. — Voyez la gentille alouette, qui, fatiguée du repos, s’élance dans les airs au sortir de son nid humide, elle réveille l’aube matinale, et le soleil, dans toute sa majesté, sort de son sein argenté : ses rayons jettent tant d’éclat sur le monde, que les monts couronnés de cèdres semblent de l’or bruni. CXLIV. — Vénus le salue en lui adressant ce bonjour flatteur : « O toi, dieu brillant, père de toute lumière, toi de qui chaque étoile et chaque astre empruntent le don magnifique qui lui permet de briller, il est ici-bas un fils allaité par une mère mortelle, qui pourrait te prêter de la lumière comme tu en prêtes aux autres ! »

CXLV. — Elle dit, et s’enfuit vers un bosquet de myrtes, réfléchissant que la matinée est bien avancée et qu’elle n’a pas reçu de nouvelles de son amant : elle écoute pour distinguer la voix de sa meute et le son de son cor ; elle les entend résonner gaiement, et elle s’avance à la hâte dans la direction du bruit.

CXLVI. — Elle court ; sur son chemin les broussailles s’attachent à son cou, d’autres caressent son front ; d’autres encore s’entrelacent autour de ses jambes pour l’arrêter : elle s’arrache violemment à leurs étroits embrassements, telle qu’une biche aux mamelles pendantes qui s’empresse d’aller allaiter son faon caché dans un taillis.

CXLVII. — Tout à coup elle entend que les chiens sont aux abois : elle tressaille ; comme celui qui aperçoit devant lui une vipère repliée en funestes anneaux, tremble et frissonne dans sa terreur, de même le timide jappement des chiens épouvante Vénus et trouble tous ses sens.

CXLVIII. — Car elle n’ignore plus que ce n’est pas une chasse sans danger, et qu’on poursuit le sanglier farouche, l’ours féroce ou le superbe lion. Les cris partent toujours du même point et la voix des chiens exprime la terreur. A la vue d’un si redoutable ennemi ils se font tous des politesses à qui l’attaquera le premier.

CXLXIX. — Ces cris lugubres retentissent tristement à l’oreille de Vénus, et pénètrent par surprise jusqu’à son cœur,