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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/485

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mon amour, celle dont le précieux amour me

relève ou me jette à terre.


En t’aimant, tu sais que je suis parjure, mais tu es doublement parjure,

toi qui me jures de m’aimer ; en fait, tu as manqué à tes voeux, tu as
décliné ta foi nouvelle en jurant de nouveau de haïr après avoir aimé de
nouveau. Mais pourquoi est-ce que je t’accuse d’avoir manqué deux fois à
tes serments, moi qui ai manqué vingt fois aux miens ? Je suis plus
parjure que toi ; car tous mes vœux sont des serments de te maltraiter,
et j’ai perdu toute ma loyale foi en toi ; car j’ai tant de fois juré que
tu étais vraiment bonne, tendre, fidèle, et contente pour t’éclairer,
j’ai voulu être aveugle, ou j’ai fait dire à mes yeux qu’ils voyaient le
contraire de la vérité : j’ai juré que tu étais blanche et belle ; quel

parjure de proférer, contre toute vérité, un si odieux mensonge !


Cupidon posa sa torche, et s’endormit. Une des filles de Diane en sut

profiter, et plongea vivement ce brandon d’amour dans la source glacée
d’une vallée de ce pays : cette fontaine emprunta au feu sacré de l’amour
une chaleur perpétuelle et constante : elle devint un bain que les hommes
regardent encore comme un remède souverain contre des maladies
singulières. Mais la torche de l’amour vient se rallumer aux yeux de ma
maîtresse ; l’enfant voulut essayer d’en toucher mon cœur et moi, déjà
malade, je voulais essayer des bains, et je me rendis en ce lieu, triste
et souffrant, mais je n’y ai pas trouvé la guérison : le bain qui peut me
guérir est là où Cupidon est venu chercher de nouvelles flammes, dans

les yeux de ma maîtresse.


Un jour, le petit dieu d’amour, s’étant endormi, posa à ses côtés sa

torche qui enflamme les cœurs : une foule de nymphes qui avaient juré de
rester chastes et pures vinrent errer dans ces lieux : mais la plus belle
de toutes prit dans sa main virginale ce feu qui avait embrasé tant de
milliers de cœurs